Chez Ramify, nous construisons vos portefeuilles en nous appuyant sur une allocation stratégique d’actifs à long terme, visant à maximiser la création de valeur. Cette approche est complétée par une allocation tactique fondée sur une analyse rigoureuse, intégrant à la fois des facteurs macroéconomiques et des algorithmes quantitatifs suivant les marchés financiers en temps réel.
Pour faire suite à notre précédent article sur les marchés actions, nous vous proposons dans un premier temps un récapitulatif de l’évolution des marchés obligations en 2024, avant d’explorer les dynamiques clés qui pourraient influencer la performance des investisseurs en 2025 et d’identifier des pistes de réflexion pour optimiser son allocation.
Marché obligataire : entre résilience et ajustements en 2024
Un retour progressif à la normale de la courbe des taux
L'année 2024 a été marquée par une forte volatilité sur les marchés obligataires, avec des changements significatifs des courbes de taux aux États-Unis et en Europe.
Le taux de l'obligation du Trésor américain à 10 ans est passé de 3,6 % en septembre à 4,6 % en décembre 2024, sous l'effet d'une croissance économique plus forte que prévu, d’anticipations d’inflation persistante et du risque de creusement des déficits publics lié aux orientations budgétaires américaines.
Sources :
- Estimations moyennes : WSJ Economic Survey of January 2024
- Croissance réalisée : BEA
La Réserve fédérale américaine (Fed) a joué un rôle clé dans cette évolution. Après avoir maintenu ses taux élevés durant plus d'un an, elle a entamé un cycle de baisse en septembre 2024, réduisant son taux directeur de 100 points de base en décembre 2024.
Cette dynamique a finalement mis fin une période d’inversion de la courbe des taux qui avait commencé en 2022, comme l’illustre montre le graphique ci-dessous comparant les courbes de taux à mi-année et fin d’année.

En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) a réagi à des prévisions de croissance faible et à la menace de nouveaux tarifs douaniers de l'administration Trump en initiant une série de baisses de taux à partir de juin 2024.
En janvier 2025, la BCE avait baissé ses taux d'intérêt directeurs d'un total de 125 points de base, ramenant le taux de facilité de dépôt à 24 heures à 2,75 %.
Ce cycle d'assouplissement, combiné aux inquiétudes concernant les tensions commerciales mondiales et l'incertitude politique, a contribué à une relative normalisation de la courbe des taux dans toute l'Europe.

Obligations d’Etat : les courtes maturités en tête de performance
L'inversion de la courbe des taux observée en 2024 s'est reflétée dans la performance du marché obligataire.
Les obligations à maturité courte (1-3 ans) ont généré de solides rendements grâce à la baisse des taux. Par exemple, l'indice Bloomberg Euro Treasury 1-3 Year Bond, représentant les obligations d’état européennes court-terme, a affiché un rendement de 3,1 % et l'indice ICE U.S. Treasury 1-3 Year Bond, représentant leurs homologues américaines, un rendement de 5,1 %.
À l'inverse, la pentification de la courbe des taux fin 2024 a pénalisé les obligations à maturité longue, un impact particulièrement visible dans la mauvaise performance de l'indice ICE U.S. Treasury 20+ Year Bond (-7,7 %), qui reflète l’évolution des obligations d’État américaines à long terme, et la stagnation de l'indice Bloomberg Euro Treasury 20+ Year Bond (0,1 %), qui représente les obligations souveraines européennes à long terme.
Sources: Amundi & Blackrock
Obligations d’entreprises : un spread historiquement bas
Les spreads de crédit (écart de taux entre obligations d’entreprises et obligations d’état), en particulier dans le secteur Investment Grade (obligations d’entreprises les mieux notées, entre BBB et AAA), ont poursuivi leur resserrement amorcé en 2022.
L’écart entre les taux des bons du Trésor américain et ceux des obligations d’entreprises Investment Grade, représenté par l’indice ICE BofA US Corporate Options-Adjusted Spread, s’est fortement réduit, passant de 106 points de base à 82 points de base. En fin d’année, il atteignait ainsi des niveaux historiquement bas. Une tendance similaire a été observée en Europe.
Les obligations High Yield, qui concernent des entreprises avec une notation financière plus faible (inférieure à BB, impliquant un risque de défaut plus élevé), ont particulièrement bénéficié de cet environnement. L’indice iBoxx $ Liquid High Yield a affiché une performance de +8,0 %, tandis que son équivalent européen, l’iBoxx € Liquid High Yield Index, enregistrait une hausse de +6,9 %.
Sources: Amundi & Blackrock
Que réserve 2025 aux investisseurs obligataires ?
Obligations d’Etat : “soft landing”, vraiment ?
L'année 2025 s'annonce comme une période charnière sur le plan macroéconomique, avec notamment le début du mandat de Trump.
Les courbes de taux pourraient être particulièrement sensibles à 4 facteurs.
Inflation
Bien que l'inflation se soit modérée par rapport aux pics post-pandémiques, l'inflation sous-jacente reste supérieure aux objectifs des banques centrales dans plusieurs économies majeures.
Si l'inflation s'avère plus persistante que prévu, la Fed et les autres banques centrales pourraient être contraintes de retarder les baisses de taux ou même de reprendre les hausses, poussant les taux d’intérêts de long terme à la hausse.
Croissance économique
La trajectoire de la croissance économique sera cruciale.
Une économie américaine résiliente, soutenue par des dépenses de consommation solides et un marché du travail robuste, pourrait maintenir des taux d’obligations long terme plus élevés.
Politique budgétaire
L'augmentation des emprunts gouvernementaux pourrait exercer une pression à la hausse sur les taux.
Les États-Unis devraient connaître d'importants déficits budgétaires en 2025, particulièrement si les plans de réductions d'impôts de Donald Trump se concrétisent.
En Europe, le resserrement budgétaire pourrait limiter l'offre d'obligations et soutenir des taux plus bas dans la zone euro.
Risques géopolitiques
Les tensions géopolitiques croissantes, notamment les relations commerciales États-Unis-Chine, les conflits en Europe de l'Est et au Moyen-Orient, pourraient créer de la volatilité sur les marchés obligataires.
Quel impact sur les politiques monétaires en 2025 ?
La divergence entre les trajectoires politiques attendues de la Fed et de la BCE souligne les différents défis économiques et priorités politiques auxquels sont confrontées ces deux grandes banques centrales. Bien que les deux devraient entamer des cycles d'assouplissement, la BCE semble prête à agir plus agressivement en réponse à une dynamique de croissance plus faible dans la zone euro.
Selon les anticipations du marché des Fed funds futures, la Fed devrait mettre en œuvre en début d’année 2025 des baisses de taux modérées, pour un total attendu de 25 à 50 points de base sur l’ensemble de l’année. Cette approche prudente reflète l'engagement de la Fed à s'assurer que l'inflation reste fermement sous contrôle avant d'entamer un cycle d'assouplissement plus agressif.
À l’inverse, le marché obligataire anticipe une politique monétaire plus accommodante en Europe. Selon les données des produits dérivés de taux, la BCE pourrait baisser ses taux de 100 à 125 points de base en 2025. Cette trajectoire d'assouplissement plus agressive reflète les préoccupations de la BCE concernant la croissance économique dans la zone euro.
Cette divergence entre la Fed et la BCE illustre les défis économiques distincts auxquels ces deux grandes banques centrales sont confrontées. Si elles s’orientent toutes deux vers un cycle de baisse des taux, la BCE semble prête à agir avec davantage de vigueur, en raison d’une dynamique économique plus fragile en Europe.
Si elles s’orientent toutes deux vers un cycle de baisse des taux, leurs politiques divergent :
- La Fed veut éviter un retour de l’inflation et adopte une approche plus prudente.
- La BCE, face à une économie plus fragile, semble prête à agir avec davantage de vigueur pour soutenir la croissance.
Cette différence entre la Fed et la BCE illustre les défis économiques distincts auxquels ces deux grandes banques centrales sont confrontées.
Quels scénarios pour le marché des obligations souveraines ?
Sur le marché obligataire américain, deux scénarios distincts pourraient émerger :
- Si l'économie américaine parvient à ralentir sans entrer en récession et que l'inflation converge progressivement vers l'objectif de la Fed, la courbe des taux devrait continuer à se pentifier. Cela traduirait la confiance du marché dans une transition maîtrisée de la politique monétaire et un environnement économique stable. Un tel scénario pourrait favoriser les obligations à plus courte maturité.
- À l’inverse, si l’inflation demeure persistante, la Fed pourrait adopter une posture plus prudente et limiter l’ampleur des baisses de taux. Dans ce scénario, la courbe des taux resterait relativement plate, reflétant l’incertitude des investisseurs quant au calendrier et à l’orientation de la politique monétaire.
En Europe, des baisses de taux plus marquées de la BCE pourraient accentuer la pentification des courbes, pouvant ainsi créer des opportunités pour les investisseurs en obligations à courte maturité. Par ailleurs, les spreads élevés des obligations souveraines périphériques (vs Bund) pourraient offrir un potentiel attractif pour ceux prêts à prendre davantage de risque.
Obligations d'entreprises : surévaluation ou opportunité d’investissement ?
Marché du crédit américain
Les spreads de crédit (écart de taux entre obligations d’entreprises et obligations d’état) aux États-Unis ont atteint des niveaux historiquement serrés, reflétant à la fois la solidité de l'économie et l'appétit des investisseurs pour le risque de crédit.
Les spreads Investment Grade (IG) sont proches de leurs plus bas historiques, tandis que les spreads High Yield (HY) figurent parmi les 3 % les plus bas de leur fourchette historique.
En clair : le marché du crédit semble valorisé pour un scénario macroéconomique optimiste, misant sur une économie résiliente et des fondamentaux solides pour les entreprises.

Un scénario de statu quo : Historiquement, lorsque la Fed maintient des taux élevés, les spreads peuvent rester faibles pendant plusieurs années, prolongeant ainsi le statu quo, comme l’illustre le graphique suivant.
Dans ce contexte, les investisseurs doivent arbitrer entre deux scénarios opposés :
Scénario de surévaluation
Avec des spreads déjà compressés, le potentiel de resserrement supplémentaire semble minime, laissant peu de place à l'appréciation du capital.
Si les perspectives économiques se détériorent ou si la Fed signale une position restrictive prolongée, les spreads de crédit pourraient s'élargir brusquement, entraînant des pertes potentielles.
Dans ce cas, une position plus prudente sur le crédit peut être justifiée, avec un accent sur la qualité et une exposition réduite aux segments les plus tendus du marché.
Scénario de statu quo
Historiquement, lorsque la Fed maintient des taux élevés, les spreads peuvent rester faibles pendant plusieurs années.
Si ce contexte perdure, les obligations Investment Grade pourraient représenter un bon compromis entre rendement et gestion du risque.

Dans un tel scénario, compte tenu des estimations de rendement plus conservatrices sur les actions pour la prochaine décennie, les obligations Investment Grade pourraient être un bon moyen d’améliorer le rendement d’un portefeuille en 2025, offrant un compromis intéressant entre rendement et gestion des risques.
Marché du crédit européen
À l’instar du marché du crédit américain, les obligations d’entreprises en Europe affichent des taux d’intérêt nominaux dans la moyenne haute, avec des spreads de crédit qui se sont significativement resserrés en 2024.
Toutefois, alors que les spreads américains sont à un plus bas historique, ceux du marché européen restent légèrement inférieurs à leur médiane, comme on peut le voir sur le graphe suivant.
Cette différence pourrait suggérer un potentiel d’appréciation en capital plus important en Europe par rapport aux États-Unis, si la tendance au resserrement des spreads se poursuit.

Le marché obligataire des entreprises en Europe reste moins développé que son homologue américain, avec d'importantes disparités entre les grandes économies.
Aux États-Unis, l’encours des obligations d’entreprise représente plus de 30 % du PIB, tandis que dans certains des plus grandes économies européennes comme l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, ce chiffre demeure inférieur à 10 %.

Une tendance claire à la croissance a été observée au cours de la dernière décennie, portée par des efforts visant à consolider les marchés de capitaux.
Des initiatives politiques nouvelles, telles que celles présentées dans le rapport Draghi 2024 plaidant pour “une véritable union des marchés de capitaux” pourraient accélérer davantage cette évolution.

Ainsi, des valorisations plus attractives, combinées à une bonne dynamique développement du marché obligataire européen, pourraient constituer des signaux favorables pour l’investissement en crédit en Europe.
Conclusion
L’année 2024 a été le théâtre d’une normalisation progressive de la courbe des taux, portée par un scénario de soft landing qui semble se confirmer. Cette dynamique a particulièrement bénéficié aux obligations de courte maturité, notamment due aux premières baisses de taux directeurs en fin d’année.
En 2025, plusieurs incertitudes pourraient influencer l’évolution des marchés obligataires. La principale interrogation reste de savoir si la baisse des taux aux États-Unis se poursuivra ou si une résurgence de l’inflation viendra contraindre la Fed à maintenir une politique plus restrictive. Par ailleurs, le début du mandat de Donald Trump ajoute une composante d’instabilité politique, susceptible d’amplifier la volatilité sur les marchés.
Dans cet environnement, les investisseurs devront faire preuve d’agilité pour identifier les opportunités sur le marché obligataire. Avec des spreads de crédit à des niveaux historiquement bas et des perspectives de performance boursière plus modérées, le crédit pourrait offrir un point d’entrée intéressant. Toutefois, cette allocation devra être menée avec prudence, en tenant compte des incertitudes macroéconomiques et géopolitiques qui caractériseront l’année à venir.